Association des Jeunes Magistrats (AJM)
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En attendant la conférence de consensus sur la prévention de la récidive (Annexe 1)
vendredi, 15 février 2013
/ Le Conseil d’Administration de l’AJM

Annexe 1 - Une lutte contre le terme “emprisonnement” ?

Changer les mots pour changer la manière de penser la peine
L’emprisonnement est la peine de référence pour les délits au titre de Code pénal. Elle est aussi la référence pour toute condamnation dans la société, et en particulier quand on lit les comptes rendus d’audience de la presse quotidienne régionale (où il arrive que les sursis et sursis avec mise à l’épreuve soient simplement oubliés !).

Cet état du droit positif a fait apparaître un certain nombre de mesures, telles que les semi-liberté, les placement sous surveillance électronique ou les placements extérieurs, comme des aménagements de peine, ce qui a souvent été compris, par le public, mais aussi dans l’esprit de nombres de magistrats, comme une atténuation de la peine. Cela a pu conduire à certains positionnement idéologiques au nom de la politique pénale.

Plusieurs intervenants devant votre mission ont souligné l’importance pour toute réforme visant à lutter contre la surpopulation carcérale, de prendre en compte la question de la terminologie. Il convient de préciser qu’en tout état de cause, une telle réforme ne se suffit pas à elle-même, mais doit s’accompagner d’autres réformes de fond. A cette condition, elle peut permettre un changement d’état d’esprit, et à tout le moins de modifier les références avec lesquelles la peine est abordée.

Avertissement
Il convient de préciser que, discutée au sein de l’AJM, cette question a divisé les adhérents qui ont pu s’exprimer et que dès lors les éléments développés ci dessous constituent des pistes de réflexion et non une position de l’association. En effet, force est de constater que les différentes peines sont déjà mal connues et comprises du justiciable, et que finalement, les deux grands axes assimilés sont “je vais en prison ou je ne vais pas en prison”. Dès lors que le terme d’emprisonnement est compris, un changement de terminologie pourrait induire d’autres difficultés de compréhension. Toutefois, afin d’alimenter votre réflexion, voici les éléments dont nous avons pu débattre :

La solution d’un terme général
Afin de changer de référentiel, la solution la plus simple pourrait être de supprimer le terme d’emprisonnement actuellement employé dans le Code pénal comme la peine encourue, pour le remplacer par un terme plus générique, s’appliquant à toutes les peines de privation de liberté. Ce terme doit être réfléchi, mais nous avons choisi pour développer cette idée d’utiliser le terme général employé au niveau pénitentiaire : l’écrou. Il n’est sans doute pas très clair pour le justiciable, mais l’intérêt est ici d’inviter à une autre manière de penser la peine, et pour la juridiction de la fixer.

Pour l’administration pénitentiaire, les personnes en semi-liberté, en placement sous surveillance électronique ou en détention, sont toutes des personnes placées sous écrou. Dès lors, on pourra imaginer que pour un délit donné, la peine encourue est x années d’écrou (ou de “privation de liberté”, ou tout autre terme qui paraîtra plus opportun).

L’écrou pourra, au moment de son exécution, prendre plusieurs formes, comme aujourd’hui. Si on prend la référence des aménagements de peines en milieu ouvert tels qu’ils sont prévus aujourd’hui dans le cadre de l’article 723-15 du Code de procédure pénale, de la même manière, le JAP pourra être amené à dire que l’écrou sera exécuté sous la forme d’un placement sous surveillance électronique ou d’une semi-liberté (ou converti en TIG ou en jours amendes pour les peines inférieures à six mois, comme aujourd’hui), mais aussi sous la forme de l’emprisonnement si le condamné est défaillant. Pareillement, le Parquet peut décider, en application de l’article 723-16 du Code de procédure pénale (qui peut être révisé, mais c’est une autre question), que l’écrou est exécuté sous la forme de l’emprisonnement. La modification du Code est donc légère dans son esprit, puisque comme aujourd’hui, les “aménagements de peines” se feront dans les mêmes conditions, si ce n’est que le critère de compétence ne sera plus une peine de deux ans d’emprisonnement (un an en cas de récidice) mais un écrou de deux ans (un an en cas de récidive).

Les conséquences sont donc moins juridiques que théoriques et pratiques. L’écrou ne s’exécute pas en lui-même, mais sous une forme déterminée par la décision d’un magistrat (siège ou parquet). Dès lors, la semi-liberté, le placement sous surveillance électronique, et les autres “aménagements de peine”, deviennent des peines à part entière, et n’apparaissent plus comme atténuant la peine d’emprisonnement.

Concernant les peines prononcées par le Tribunal,

La juridiction se trouve confrontée à un choix :


- elle peut simplement fixer la durée de l’écrou, jusqu’à deux ans (un an cas de récidive) et renvoyer alors l’ “aménagement de la peine” au JAP. Il le fait aujourd’hui en parlant d’emprisonnement.


- elle peut également, avec les mêmes taux de peines, prononcer directement la peine de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique : l’avantage est qu’il s’agit de peines à part entière, et que la juridiction n’a pas évoqué l’emprisonnement juste avant. Comme aujourd’hui, si l’exécution provisoire est prononcée, le Tribunal pourra décerner mandat de dépôt pour que, dans les cinq jours, le JAP fixe les modalités de cette mesure.


- enfin, si le taux de la peine prononcée est supérieur au taux légal (deux ans en principe, un an en cas de récidive), elle condamne directement à l’emprisonnement. Il peut aussi, au regard de la gravité du dommage ou des faits, ou encore des antécédents de l’intéressé, prononcer une peine d’emprisonnement avec mandat de dépôt (ou maintien en détention). Mais cette décision sera spécialement motivée, et ce sont les dispositions et conditions propres au mandat de dépôt qui en limite l’emploi.

Dès lors, le terme d’emprisonnement est conservé mais la peine ne s’applique plus qu’aux situations conduisant à une incarcération réelle.

Concernant l’aménagement de la peine
Pour les “aménagements de peines”, le JAP serait donc toujours chargé de l’application de la peine, en fixant la nature que prendra l’écrou. Il serait ainsi saisi des peines d’écrou, comme il l’était des peines d’emprisonnement, en application d’un article 723-15 remanié (jusqu’à deux ans, voire un an en cas de récidive). La question est identique en milieu fermé, et le JAP peut prévoir que le reste de l’écrou sera exécuté sous la forme de la semi-liberté ou du placement sous surveillance électronique.

Sur la probation
Par extension, le SME actuel pourrait prendre le nom du projet de “probation” ou “surveillance pénitentiaire” : il y aurait toujours des obligations à respecter, mais en cas de non respect des termes de la probation, le tribunal aura fixé la durée de l’écrou susceptible d’être ramené à exécution (de la même manière qu’il fixe le taux de la peine avec sursis). Le JAP veillera au respect des probations, comme les SME actuels, et pourra comme aujourd’hui, lors de débats en révocation, prolonger la durée de la probation, ou révoquer la probation et ramener à exécution l’écrou, sous une forme qui pourra être déterminée lors du débat sur la “révocation” de la probation. Les SME actuels peuvent être prononcés pour une partie de l’emprisonnement ; en droit constant, cela implique que le tribunal peut prononcer à la fois une peine impliquant un écrou, et une peine de probation.

Par souci de simplicité, le TIG pourrait être intégré à cette peine de probation. Aujourd’hui il existe une peine de TIG et une peine de sursis TIG, mais la différence entre ses deux peines n’est pas évidente, sauf pour le sursis TIG de prévoir des obligations supplémentaires. L’intégration à une peine unique de probation permettra donc de prévoir ou pas des obligations supplémentaires. A noter également que si le TIG est intégré à la probation, l’inexécution du TIG n’est plus un délit, mais est gérée par le JAP à travers la prolongation du délai de probation, par la révocation de la probation, ou la conversion en jours-amendes, comme aujourd’hui.

L’avantage de la probation par rapport au SME est à cet égard de faire disparaître la référence à l’emprisonnement (au lieu de trois mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 18 mois, on prononce une probation de 18 mois, et on prévoit qu’il encourt un écrou de trois mois s’il n’est pas respecté). La peine mixte sera mieux comprise, puisqu’on prononce de manière séparée l’écrou à exécuter, et le suivi judiciaire.

De la même manière, l’emprisonnement avec sursis pourrait éventuellement être substitué par un autre terme général pour effacer le terme d’emprisonnement, ou se voir substituer l’expression d’écrou avec sursis.

Une telle réforme est essentiellement formelle, puisqu’elle peut se faire à droit constant, sauf à revoir les conditions dans lesquelles certaines peines, et notamment l’emprisonnement, sont prononcées. L’avantage (et l’inconvénient) est d’amener les magistrats, les fonctionnaires, et toute la société, à réfléchir autrement à la peine prononcée, en amenant nécessairement à une réflexion différente.