Que pensez vous de la fonction de juge de proximité ? De l’existence de cette juridiction ? Le juge de proximité est-il, à votre avis, un magistrat, un vacataire auxiliaire de justice, ou autre ? Que vaut sa formation à l’ENM ?
La juridiction de proximité a permis d’alléger le contentieux des tribunaux d’instance. Instaurée en 2002, elle a vu ses compétences élargies en 2005 (notamment la possibilité de siéger comme assesseur en correctionnel) ; elle apparaît aujourd’hui indispensable aux juges directeurs des tribunaux d’instance qui ne peuvent pas fonctionner sans cette juridiction en raison du manque de moyens humains au sein de ces juridictions. Le contentieux des Tribunaux d’instance est devenu essentiellement un contentieux de masse qu’il a été nécessaire de déléguer au moins pour partie. Si la nécessité de cette délégation n’est pas contestable, la question de l’opportunité de ce transfert à des nouveaux juges au statut hybride reste posée.
En effet, la juridiction de proximité pose plusieurs problèmes :
c’est le montant de la demande (moins de 4.000€) et non la complexité du litige qui justifie la compétence du Juge de proximité ;
les Juges de proximité jugent en dernier ressort de la plupart des demandes donc sans appel possible ; seule la voie du pourvoi en cassation est ouverte ;
la condition de recrutement : la condition minimale étant une formation juridique supérieure ou une expérience professionnelle à caractère juridique d’une durée de 4 ans au moins, un doctorat en droit ou la qualité d’auxiliaire de justice exerçant une profession réglementée. Ceci n’est pas forcément une garantie de connaissance du contentieux très technique de la juridiction de proximité qui est essentiellement un contentieux civil identique à celui des Juges d’instance et même plus varié et moins uniforme (certains contentieux de masse comme celui des baux d’habitation ou du crédit à la consommation étant restés de la compétence exclusive du Juge d’instance) ;
la rémunération se fait par vacation et ces juge ne peuvent exercer dette fonction qu’à temps partiel ; il ne peut donc s’agir que d’un complément d’une activité annexe ou d’une retraite ce qui peut parfois être à l’origine d’un manque d’investissement ;
le problème de la formation des Juges de proximité à l’ENM que tous déplorent trop courte (quelques jours) alors qu’ils sont amenés à faire de la rédaction civile ; la méthodologie de rédaction des jugements étant difficile à assimiler ; ceci a notamment pour conséquence un risque d’une justice à plusieurs vitesses, en effet la partie qui est la mieux défendue peut être amenée à gagner son procès au mépris des règles de droit et alors que le principe veut que la représentation ne soit pas obligatoire devant cette juridiction ;
De même la tenue d’audiences de police concernant les contraventions des 4 premières classes nécessite également d’avoir une bonne connaissance de la procédure pénale et de connaître les clés d’une tenue d’audience ;
Il faut ajouter que le contentieux dévolu au Juge de proximité l’amène à siéger dans la plupart des cas à Juge unique, donc seul dès le début de son exercice.
Le problème du partage de compétences entre Juge d’instance et Juridiction de proximité : il est assez complexe et exprime la culpabilité du législateur à transférer un contentieux anciennement dévolu à des juges professionnels à des magistrats non professionnels. Comme exemple un passage du blog de Maître Eolas : “Le juge de proximité était initialement compétent pour une liste de contraventions fixée par décret. Parmi celle ci figuraient des contraventions de 5e classe. Depuis le 1er avril 2005, le juge de proximité n’est plus compétent pour les contraventions de 5e classe mais l’est pour toutes les contraventions de 1e, 2e, 3e et 4e classe. Toutefois, il reste compétent pour les contraventions de 5e classe qui lui étaient attribuées précédemment et dont il était déjà saisi le 1er avril 2005. Une aspirine ?”
En bref, le Juge de proximité est censé être un juge ; il l’est en tous cas pour les justiciables, les avocats et tous les partenaires de justice ; il occupe un fonction de juge, étant amené à trancher des litiges conformément aux règles de droit. Cependant, il n’est pas certain que le législateur lui ait donné la possibilité d’assumer réellement cette fonction. Peut être aurait-il mieux valu transférer certaines compétences à des fonctionnaires pour les contentieux de masse que le Juge d’instance continue à connaître et sur lesquels nous n’avons pas de réelles marges de manoeuvre comme en matière d’acquisition de clause résolutoire dans le domaine d’expulsion où la décision réside seulement dans le fait d’accorder ou non des délais plutôt que de transférer des contentieux parfois très complexes à des personnes à qui on n’a pas donné les moyens et les compétences de trancher.
Commentaires
Répondre à cet article