Un million d’euros débloqué miraculeusement pour le dépôt du tribunal de grande instance de Paris. Les dépôts des tribunaux de Créteil et Bobigny épinglés par le contrôleur général des lieux de privation des libertés. Les conditions d’accueil des personnes déférés dans les juridictions n’ont jamais été autant médiatisées.
La loi (art.803-3 du code de procédure pénale) borne de manière stricte le maintien à disposition des déférés (20 heures maximum). Elle définit en revanche de manière floue la nature des lieux dédiés à la retenue des individus (un local « spécialement aménagé à cet effet »).
Les photos prises par les magistrats, les parlementaires, diffusées largement dans la presse, illustrent à merveille la merveilleuse imprécision de la loi. L’aménagement spécial du législateur devait-il comprendre des odeurs nauséabondes, des toilettes débordantes, des couchettes se résumant à de simples dalles en béton, partagées à plusieurs individus ?
D’une certaine manière, l’habitude est liberticide : à force de fréquenter ces lieux, les professionnels (policiers, enquêteurs sociaux, éducateurs, magistrats, avocats) finissent par admettre la situation.
Et, quand certains se saisissent de leurs préroragatives (le contrôle de ces lieux est notamment confié aux parlementaires et au procureur de la République), qu’ils osent l’impensable en levant le voile sur cette misère, admise silencieusement par tous, que pensez-vous qu’ils puissent provoquer ?
Un électro-choc collectif ? Une réflexion sur la barbarie que constitue de parquer sur 9m2 des individus toujours présumés innocents avant leur comparution devant le tribunal ? Une vague sans précédent de mise à disposition de crédits pour assainir et, surtout, entretenir ces lieux ?
Et bien non.
On rappelle poliment aux uns et aux autres qu’ils feraient mieux de s’occuper de leurs affaires, un nouveau coup de peinture suffisant largement à casser la (mini) vague médiatique… quant aux esprits chagrins, qui continueraient à relever le manque de pérennité de telles mesures, inutile de vous dire qu’ils sont rapidement classés. Catégorie râleur hors hiérarchie, préférant perdre du temps à agiter de faux problèmes plutôt que de s’investir dans leurs fonctions.
Or la réalité, brute, demeure celle-ci : comment s’étonner de générer de la violence quand une société se satisfait de parquer des présumés délinquants dans des lieux sordides ?
Il y a quelques semaines de cela, le directeur de la prison de Monaco expliquait sur une chaine télévisée populaire combien il était important d’offrir la climatisation à ses détenus, dans des cellules récurées à la brosse à dent, pour apaiser la détention et générer du respect. A l’évidence, l’extrême souci du détail animant la Principauté est loin d’être partagé par la République voisine.
Rien ne justifie de tels fossés de traitement entre les individus. L’absence de moyens, l’habitude, le découragement à réhabiliter des lieux sans cesse souillés, sont des explications mais n’excusent pas l’immobilisme.
La vrai crise aujourd’hui n’est-elle pas celle du courage ? Et une démocratie, sans courage, ne serait-elle pas en train de s’assécher ? J’ai bien peur que si.
Ce billet sera donc signé de mon pseudonyme !
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