Monsieur le Premier Président près la Cour de Cassation, Président du Conseil d’Administration de l’ENM, Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation, Monsieur le Directeur de l’ENM,
Les réformes de l’ENM, du recrutement des magistrats et de la formation initiale et continue étaient l’occasion de moderniser l’institution en la rendant plus perfectible et plus proche du citoyen. Tout en assurant la diversité du recrutement et une formation en cohésion avec les attentes actuelles de la société à l’égard de ses juges, ces réformes se devaient de participer à l’effort d’amélioration de l’image de la justice et de rapprochement de la justice du citoyen.
L’Association des Jeunes Magistrats (AJM) a tenu à participer activement à ces différentes réformes malgré un calendrier très strict imposé par l’ENM qui ne permet qu’imparfaitement de considérer l’existence d’une véritable concertation à la hauteur des objectifs affichés. L’AJM s’est attachée à chaque étape de ces réformes à faire des propositions concrètes pour que l’ENM assume ses responsabilités à l’égard du citoyen dans le recrutement et la formation des magistrats. L’AJM reste persuadée que le renforcement de la transparence de la structure institutionnelle de l’ENM, du recrutement et de la formation des magistrats garantira la responsabilisation de l’ENM et dès lors une amélioration de l’image de la justice.
Si la réforme de la structure de l’ENM et de la formation des magistrats qui doit être discutée par le Conseil d’Administration de l’ENM le 19 septembre 2008 est ambitieuse, elle ne nous paraît pas malgré tout aller dans le sens de cette transparence nécessaire. En effet, la modification de la composition du Conseil d’Administration de l’ENM par la diminution drastique du nombre de membres élus conduit à renforcer les critiques qui peuvent déjà avoir lieu à l’égard de cet organe essentiel à la vie de l’institution. Il nous paraît surprenant que dans ce projet le Directeur de l’ENM compare sa présence au Conseil d’Administration avec celle des représentants des auditeurs de justice. De même il nous paraît très inquiétant de vouloir diminuer le temps de parole de ces mêmes auditeurs en diminuant le nombre de leurs représentants. Le Conseil d’Administration s’il est l’organe décisionnel doit aussi être un lieu de débat. Or tel qu’il est actuellement composé avec une majorité de membres choisis par la chancellerie, ce débat est quasiment inexistant sans la présence des auditeurs. Le magistrat chargé de la formation, le Directeur de centre de stage et le magistrat ayant moins de sept années d’exercice devraient par principe être élus par leurs pairs afin d’assurer un rapprochement de l’ENM avec les magistrats et une transparence de la vie de l’école. Refuser cette modification revient pour l’AJM à accentuer le fossé entre l’ENM et les magistrats mais aussi entre l’ENM et les citoyens. La transparence et la démocratie n’ont pas à rester aux portes de l’ENM d’autant plus que le Directeur aura par ce projet une voix délibérative sur tous les projets dont il est à l’initiative.
De même la réforme du corps enseignant de l’ENM pose question. Si l’AJM est attachée à la diversité des formateurs et des intervenants, elle tient aussi à ce que l’enseignement ne soit ni universitaire, ni formaté. L’absence de précisions sur l’organisation des pôles de formation, et l’organisation hiérarchisée de la pédagogie laissent craindre la disparition d’une formation pensée par un groupe ce qui faisait la force du corps des chargés de formation.
Ce projet repose sur deux innovations principales qui dépendent d’un aval budgétaire, à savoir l’augmentation de la durée de la formation initiale à 36 mois et la création de 12 coordonnateurs régionaux. L’institution doit pouvoir réfléchir à partir d’hypothèses budgétaires sérieuses ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De même, ce projet propose plusieurs séquençages de la formation sans qu’on puisse connaître la préférence de l’école. Ces séquençages sont parfois surprenants, comme la création d’un stage découverte de dix semaines, donc deux mois payés à observer sans aucune explication ni formation préalable.
La philosophie qui sous tend le projet inquiète fortement l’AJM. Elle craint, malgré l’affirmation contraire de Madame le Ministre, qu’il ne soit porté atteinte à la diversité du recrutement des magistrats et notamment au concours étudiant. L’augmentation de la durée de la scolarité, la diminution du nombre de postes offerts au premier concours, l’augmentation de l’âge limite pour le premier concours sont autant de mesures qui portent atteinte à cette diversité à laquelle l’AJM reste très attachée dès lors qu’aucun débat public n’aborde pour l’instant cette question. L’Association des Jeunes Magistrats estime que la future école de formation des magistrats doit être à la hauteur des enjeux de la société actuelle. Elle craint que ces réformes ne soient contre productives et estime que les bouleversements qui pourraient en émerger nécessitent un débat public préalable, au sein de l’opinion publique ou à tout le moins du Parlement. L’AJM poursuivra malgré tout ses réflexions et ses propositions pour qu’à travers l’ENM, l’image de la justice et le lien entre les citoyens et les juges soient restaurés.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Président près la Cour de Cassation, Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation, Monsieur le Directeur, en l’assurance de notre très haute considération.
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