Le débat "faut il juger les fous ?" qui faisait suite à l’émission Faites entrer l’accusé du mardi 17 février 2009 sur France 2, concernant l’affaire Romain DUPUY, a révélé un malaise jusqu’ici passé inaperçu. Sur le plateau, aux côtés de Maître DUPONT MORETTI et de Monsieur FENECH, se tenaient le Docteur ZAGURY, psychiatre, et Monsieur REGNARD, Président de l’USM, principal syndicat de magistrats. Face à eux, deux victimes de personnes atteintes de schizophrénie ayant assassiné un de leur proche puis ayant été déclaré irresponsable. Le discours des victimes est clair : l’idée d’un "non lieu psychiatrique" est insupportable de même que l’idée que ces personnes pourront un jour sortir d’un hôpital psychiatrique et recommencer à tuer. Le discours des professionnels s’oppose de manière frontale. A plusieurs reprises, le Docteur ZAGURY et Monsieur REGNARD rappellent que l’illusion d’une société du risque zéro n’existe pas, et que les schizophrènes sont avant tout des victimes !
L’expert psychiatre et le magistrat sont inaudibles. Impossible de faire passer ces messages dans un débat où la souffrance des victimes est reprise par le politique (pourtant accusé de faire du compationnel par Maître DUPONT MORETTI !). Impossible de faire ne serait ce qu’un peu de pédagogie, de rappeler la réalité des moyens inadmissibles alloués à la psychiatrie et à la justice dans un débat où seule la victime est visible sans aucune place possible à l’accusé. Les deux professionnels se retrouvent dos au mur, montrés du doigts pour ne pas entrer dans un logique émotionnelle, et obligés de rappeler qu’ils n’ignorent pas la souffrance des victimes mais qu’ils se doivent de prendre toutes les composantes en compte.
Plus encore, le parallèle entre le psychiatre et le magistrat se fait plus oppressant, plus violent au cours de l’émission. Une des victimes explique être pédiatre et être responsable si elle met dehors un enfant pensant qu’il ne s’agit que d’un rhume alors qu’en fait il a une méningite, ce qui n’est ni le cas des psychiatres, ni des magistrats qui remettent en liberté des fous assassins ou des récidivistes. Tout est dit dans cet exemple. Toute l’attente des victimes et toutes les conséquences d’une politique de l’illusion du risque zéro dans laquelle il faut trouver des responsables. Ce n’est pas faute de rappeler que le système mis en place est le fruit d’une très ancienne évolution et qu’on ne peut pas faire fie de la pensée de FOUCAULT en deux minutes sans prendre le temps du débat (encore DUPONT MORETTI !). Peu importe. Comme le rappelle Monsieur FENECH, le politique prend bien ses responsabilités et c’est à chaque professionnel d’assumer les siennes !
Ainsi, un psychiatre doit être responsable si un malade mental pour lequel il signe la fin d’une hospitalisation réitère des faits de délinquance, comme le magistrat doit l’être s’il libère une personne qui récidive peu après. Ils auront beau rappelé qu’ils travaillent sur de l’humain, qu’il n’y a pas de boule de cristal, que l’espoir d’un "amendement" est nécessaire pour se construire, rien n’y fait. Le discours ne passe pas. Seul est entendu du public le corporatisme et la défense professionnel.
Le risque est important d’arriver à des situations où quoi que fassent le psychiatre ou le magistrat, leur responsabilité sera engagée. La paralysie du système sera évidente car il n’est pas possible pour ces professionnels d’assumer la responsabilité de ce qu’ils ne peuvent pas maîtriser.
Mais comment dire cela dans un débat pipé ?
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