La rencontre avec Messieurs GARAPON et EPINEUSE de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice avait pour premier objectif d’échanger autour des questions d’indépendance et de responsabilité.
Monsieur GARAPON a insisté sur l’émergence de formes nouvelles de dépendances comme les statistiques, les pressions ou le traitement en temps réel. Il constate qu’aujourd’hui les menaces viennent aussi de ceux qui étaient censés nous soutenir, comme la hiérarchie. Cette hiérarchie est désormais fortement politique ce qui n’était pas autant le cas auparavant et conduit à un phénomène de cour lui aussi récent.
D’autres formes d’atteintes à l’indépendance sont souvent tabou comme la carrière. Selon Monsieur EPINEUSE, il faut assumer de parler de la carrière. Cependant aborder la question de la carrière c’est aussi aborder la question du « bon professionnel » ou du « grand magistrat ». Notre culture conduit à considérer comme “grand magistrat” uniquement celui qui accède aux fonctions de responsabilité managériales (à la tête des juridictions) ou administratives et politiques (à la Chancellerie).
Mais quid du grand juge des enfants ? Du grand JAF ? Du grand civiliste ? Du grand juge d’instance ou du grand président d’assises ? etc. Notre système ne s’intéresse pas à ce qui fonde pourtant l’essence même de la culture judiciaire (car l’exercice de responsabilités managériales ou administratives et politiques n’est pas proprement judiciaire).
Selon Messieurs GARAPON et EPINEUSE l’indépendance fait partie de la qualité de la justice et aujourd’hui la réflexion sur cette qualité est quasi inexistante. Au contraire de réflexions très intéressantes menées en Europe du Nord. La réflexion sur le métier et l’identité professionnelle passe au second plan derrière la volonté d’un nivellement par le bas tant à l’ENM qu’en juridiction où l’objectif est finalement que le magistrat ne fasse pas de vagues.
Monsieur GARAPON comprend l’intérêt de lier la question de l’indépendance à celle de responsabilité. Il considère que le risque de court-circuiter les efforts des syndicats sur notamment le code de déontologie est minime dès lors que la politique actuelle vise déjà à opposer les bonnes aux mauvaises pratiques. De même l’idée de JUSTEASE (le regard critique des partenaires des magistrats sur leurs pratiques) lui paraît intéressante et innovante. Concernant la question de la responsabilité des magistrats, Monsieur EPINEUSE rappelle que la réflexion sur la responsabilité n’est pas seulement en rapport avec le statut mais doit aussi l’être autour de la notion d’« accountability » c’est-à -dire une capacité plus large à « rendre des comptes » en dehors des voies de droit ouvertes pour des mises en causes individuelles – et nécessite de développer une approche systémique des dysfonctionnements organisationnels.
La discussion a ensuite porté bien plus loin que sur la simple question de l’indépendance et de la responsabilité. Selon Monsieur GARAPON, la magistrature a besoin de nouvelles formes d’actions collectives qui dépasseraient les syndicats et les clivages gauche/droite – corps/non corps. Il faut restaurer le lien avec les citoyens et entamer une véritable réflexion sur le métier. Il considère que l’AJM est une structure très intéressante permettant une nouvelle réflexion sur le métier.
Pour conclure, l’IHEJ est d’une manière générale, intéressée par développer un partenariat privilégié avec l’AJM car il considère qu’il doit reprendre pied dans le corps. Certaines de nos activités nécessitent peut-être une aide de leur part et certaines de leurs activités gagneraient sans doute à nous y voir associés. Ainsi ont été abordés :
la participation de l’IHEJ à notre grande manifestation sur l’indépendance et la responsabilité et avant tout une aide à la réflexion afin de marquer notre différence dans le paysage (proposition notamment de la production d’une enquête avec des personnalités originales). Monsieur GARAPON propose d’ailleurs d’intervenir lors d’une réunion de l’AJM afin de réfléchir avec nous à la manière de structurer une réflexion et construire un langage
sur l’indépendance et la responsabilité, sur le métier et sur la qualité.
les échanges autour des représentations de la justice (par le film, dans les médias, aller au devant des élèves, etc.), l’IHEJ nous proposant pourquoi pas d’associer l’AJM au prochain Festival du film documentaire sur la justice de Rennes (2010) dont il sera partenaire
la participation à des groupes d’étude qui nous intéressent, ou à des missions d’expertise, de conférence et de formation à l’étranger avec la formation de certains membres à devenir experts sur leur temps libre, leur apporter un soutien logistique et intellectuel, et leur permettre de partir au gré des opportunités qui sont envoyées à l’IHEJ : conférences,
colloques dans des universités ou groupes de recherche, missions pour juristes dans le cadre de l’aide au développement de la commission européenne, etc.
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