Association des Jeunes Magistrats (AJM)
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On dit "Monsieur", Monsieur le Procureur !
jeudi, 2 septembre 2010
/ Jeunes Magistrats
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13h30, je monte à l’audience correctionnelle de mon tribunal.
Premières réquisitions du Procureur de la République. Jusque là, tout allait bien, l’audience n’était pas prévue pour être trop longue, la Présidente est sympa et surtout le chauffage fonctionnait, enfin. Quand soudain je n’en crois pas mes oreilles. Je m’hérisse sur mon fauteuil presque confortable de juge du siège : Le Procureur de la République vient juste d’appeler le prévenu uniquement par son nom de famille, sans le faire précéder ni de son prénom ni d’un « Monsieur » !
Je me retourne, je l’observe. Non, il est jeune, enfin, je crois. Je pensais que c’était révolu de telles pratiques hautaines vis à vis du prévenu. Pourquoi ne l’appeler que par son nom de famille ? C’est pour le dévaluer ? Lui montrer qu’il n’est rien face au système judiciaire ? Je suis choqué.
Je me concentre sur ce qu’il dit, peut être a-t-il juste fait un oubli. Mais non, les dossiers se suivent et les réquisitions se répètent identiques : « SISSOKO » a fait ceci, « MARTIN » est coupable de cela… Je n’en reviens pas. J’ai l’impression d’avoir une caricature devant moi : « MARTIN a été mis en garde à vue à 10 reprises ! ». Je regarde le B1 qui mentionne les condamnations : il n’y en a que 3. D’où sortent les gardes à vue ? Et pourquoi il en parle puisque seul le casier judiciaire compte ?
Je me sens mal à l’aise devant tant de mépris. Je ne tiens plus. A une pause, je rouspète devant la Présidente de l’audience. J’aimerai le reprendre, publiquement, redonner la parole à l’avocat de la défense en appuyant le « Monsieur ». Ou faire comme lui, oublier le « Monsieur » et l’appeler simplement « Procureur ».
J’ai besoin d’air. A la machine à café je croise un avocat de l’audience. Lors de la discussion je glisse, incapable de me retenir, que je trouve inadmissible d’appeler les prévenus uniquement par leur nom de famille. J’espère secrètement que l’avocat va remettre le Procureur à sa place. Comme quoi, ceux qui parlent de connivences juges-procureurs, ne savent pas complètement comment ça se passe ! C’est à son tour. Conforme à lui même, le Procureur appelle son client « X ». Je me réjouis, la vengeance de l’avocat va sonner. Ce dernier prend la parole, mais déception, il ne lâche qu’un « devant ses réquisitions caricaturales » sans même appuyer un « Monsieur ». N’y a-t-il que moi que ça choque finalement ?
L’audience se poursuit, morose. Mais au milieu de réquisitions, le Procureur appelle la partie civile, la victime, comme il appelle le prévenu, juste par son nom de famille. Je suis surpris. Est ce à dire qu’il appelle tous les justiciables comme ça ? Finalement, c’est une question de politesse, pas simplement de positionnement à l’audience ! De politesse !
Alors, Monsieur le Procureur, ta maman, elle t’a pas appris à dire « Monsieur » aux gens ?