L’observateur attentif de notre drôle d’époque, qui ose un léger recul sur les réformes judiciaires récentes et à venir, doit vraisemblablement se réjouir des paradoxes semés le long des discours qui lui sont livrés.

S’il semble en effet commun aujourd’hui de critiquer les contradictions des nouveaux dispositifs, du fait notamment de l’absence de toute profondeur de réflexion, l’analyse objective des critiques et contre-propositions demeure oubliée.

Force est de constater, au vu de l’intense production de messages électroniques sur les listes de discussion et les blogs, au vu des communiqués de presse, des lettres ouvertes et des diverses pétitions émanant des magistrats que le « vent se lève ». Mais reste à savoir s’il faut prévoir du côté de la rue Saint-Honoré une tempête, un ouragan ou une légère brise, tellement le sens des différents zefs semble contraire.

Loin de cette tenace représentation populaire de la profession, qui s’imagine les magistrats constitués en une véritable « corporation », assez hermétique et influente pour s’opposer avec efficacité à toute idée de changement, les magistrats sont en réalité profondément divisés.

Il ne semble en effet guère possible de réunir les 8.000 juges et procureurs autour d’axes suffisamment clairs pour construire point par point des contre-propositions cohérentes face aux injonctions (ou incantations) contradictoires de l’exécutif.

Il faut évidemment se réjouir d’initiatives telles que les "Etats Généraux de la Justice", auxquels l’association participe, et qui va tenter de coordonner les acteurs de la justice pour construire des réponses adaptées aux nécessités de notre temps. Mais ce travail se trouvera bien vite esseulé sans arriver à fédérer une majorité substantielle de magistrats, les mobilisations récentes démontrant que seul un tiers du corps arrive à traduire en acte son mécontentement.

D’une manière générale, nous n’aurons pas de poids sans un lobbying intensif, sans gagner la guerre de l’image, sans s’associer aux médias. Las... dans ces domaines, nous avons tout à apprendre, tout à imaginer, tant notre réserve institutionnelle, notre respect des cadres est codé dans nos gênes.

Mais sans ces révolutions, que sont la construction d’un esprit unitaire et la capacité à s’approprier les méthodes de communication, mère Nature nous réserve le seul et unique sort des espèces n’étant plus en phase avec leur temps : la pure et simple disparition.

2050, Question pour un Champion, animé par un Julien Lepers totalement relifté, robotisé, botoxé : "Question ! Qui de Darwin ou de Montesquieu a le mieux prophétisé la destinée des magistrats en France ?..."

A nous de construire aujourd’hui la réponse.