Sortant de l’école en juillet, j’ai choisi de devenir "juge placée", fonction qui m’amène à travailler dans les différentes juridictions de la Cour d’Appel en fonction des besoins. Il est donc prévu que je puisse changer régulièrement de fonctions, parfois au rythme de 4 mois. Pour débuter, je suis donc nommée à Dinan, Tribunal de Grande Instance composé de quatre magistrats du Siège et de deux magistrats du Parquet au sein duquel j’exerce en même temps les fonctions de juge d’instruction, juge aux affaires familiales et juge commissaire ( droit du commerce).
Un programme bien chargé qui me fait comprendre pourquoi de nombreux magistrats que j’ai pu rencontrer sont plutôt découragés. Je conçois effectivement les nombreuses contraintes qui font que pour cette journée, au cours de laquelle j’avais prévu de commencer à étudier cet énorme dossier, finalement, j’aurais fait tout autre chose et que le premier de mes quatre tomes est toujours en souffrance, de même que les trois suivants... Qui seront finalement lus "bien tranquillement" par ce beau week-end du mois d’octobre.
En-dehors de cette charge de travail, je tiens à dire que je ne suis pas -encore ?- déçue par ces fonctions auxquelles j’aspirais depuis fort longtemps ( pas en tant que juge placée, je parle de la magistrature en général ) et que la "vraie vie "n’a pas grand chose à voir avec tout ce qu’on a pu faire en stage. Je veux dire par là qu’il me manquait beaucoup d’éléments "annexes" qui font que je ne me rendais pas encore compte de la réalité du trvail du juge au quotidien.
Mais c’est tellement mieux d’être enfin seul dans son bureau et de pouvoir parler aux gens de façon naturelle sans le regard -même bienveillant- d’un maître de stage. En quatre mots : " Ca y est, enfin ! "
Bonjour, Dans une état "dit de droit", il est raisonnable, et même bien plus qu’utile de s’interroger sur l’attribution d’un tel poste à un jeune magistrat. Sans expérience concrète, il appert difficile d’envisager un véritable discernement, une réelle pondération, dans le panel de fonctions occupées. Ainsi, il n’est certainement pas concevable que le poids d’une décision, fût-elle bénigne, ne soit pas sans conséquences dans la balance d’une Justice équitable. Le juge placé se réduit ainsi, dans les faits, à une sorte de figurine au regard du justiciable, rendant des décisions, quelquefois rapide, voir dans certain cas au mépris même de la loi. Le postulat demeure, un jeune magistrat est sans expérience. Alors que faire ?
Bonjour,
Ce message est l’occasion de rappeler brièvement ce qu’est un magistrat placé.
La fonction a été créée par la loi organique du 29 octobre 1980, modifiant l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Concrètement, il s’agit d’un magistrat rattaché à une cour d’appel (les magistrats "fixes" le sont à un tribunal), et affecté au remplacement de magistrats absents ou au renforcement temporaire des effectifs d’une juridiction.
La jeunesse des magistrats a été mise en cause notamment lors de l’affaire d’Outreau, ce qui a donné lieu à différentes réflexions (cf. notamment http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/L...). Plusieurs arguments peuvent être mis en avant pour expliquer que cette jeunesse est source de richesse :
transmission de savoir faire entre des jeunes et des moins jeunes dans le cadre de la collégialité (plusieurs magistrats échangent dans le cadre d’un délibéré),
renouvellement des pratiques professionnelles ainsi qu’une modernisation de l’institution : à titre d’exemple, on peut évoquer la thématique de la confiscation des avoirs criminels (loi du 9 juillet 2010). Dans plusieurs juridictions, ce sont de jeunes collègues, fraîchement sortis de l’école, qui ont impulsé des changements de pratique afin d’inciter à l’utilisation de cette nouvelle procédure, et ce en raison des formations dispenses à l’ENM sur le sujet.
Il est à noter par ailleurs que les voies d’accès pour accéder à la fonction de magistrats se sont diversifiés et que plusieurs "jeunes" magistrats ont déjà des expériences professionnelles préalables, leur permettant de prendre leurs fonctions avec déjà un bagage en terme d’expérience de vie et d’expérience professionnelle.
Il reste toutefois essentiel que les jeunes magistrats ne soient pas isolés, puissent partager bonne et mauvaise expérience, l’AJM conférant un cadre pour ce type d’échanges.
Rappelons pour conclure que l’expérience professionnelle n’est pas toujours gage de compétence.
Documentation utile sur le site de l’ENM :
* PROFIL DE LA PROMOTION 2018 DES AUDITEURS DE JUSTICE ISSUS DES TROIS CONCOURS D’ACCES ET DU RECRUTEMENT SUR TITRES http://www.enm.justice.fr/sites/def...
* VOIES D’ACCES OUVERTES AUX PROFESSIONNELS http://www.enm.justice.fr/?q=Deveni...