Avocat Général près la Cour d’Appel de PARIS - Universitaire (Dernier ouvrage paru : Le système pénal, La Découverte coll. Repères 2008) Entretien du 7 mai 2009 avec Paul HUBER
Monsieur Jean Paul JEAN a regretté la multiplicité des discours actuels de principe sur l’indépendance sans qu’ils ne soient jamais accompagnés d’une réflexion pratique. Selon lui, l’indépendance est une pratique, une éthique. Elle se mérite et doit se marquer par des actes. A titre d’exemple, M JEAN estime qu’on ne peut pas d’un côté parler de l’Indépendance de la Justice et de l’autre accepter de recevoir des décorations de la part du politique.
Monsieur JEAN a constaté que les rapports de la Justice avec le politique fonctionnaient par cycles et que l’alternance était une garantie pour la magistrature. Aujourd’hui on peut avoir l’impression que le statut du magistrat est diminué en interne mais que l’on peut heureusement s’appuyer sur le niveau européen, la CEDH renforçant notamment le statut des magistrats et leur indépendance.
Selon lui le parquet ne doit pas être indépendant mais impartial. Il ne doit pas être soumis à des conflits d’intérêt et doit respecter des règles déontologiques et le principe d’égalité de tous devant la Justice.
Aujourd’hui par rapport à des pays comme le Portugal, ou l’Italie, le juge français n’est pas indépendant : sa nomination, l’avancement, la distribution des dossiers sont autant d’éléments portant atteinte à son indépendance. De même, comment parler d’indépendance des magistrats dès lors qu’ils sont proposés par le Ministère de la Justice ? Le CSM n’est ici qu’un contre pouvoir et non pas le pouvoir de nomination des magistrats.
Monsieur JEAN constate l’augmentation de la fragilité statutaire du juge notamment dans la composition des audiences par ce qu’on considère être des mesures d’administration judiciaire. Ainsi dans une grande juridiction, si on déplaît on est tout simplement déplacé. Cette prérogative appartient aux Présidents or certains sont ouvertement trop liés au pouvoir en place. Il y a selon lui une évidente évolution puisqu’il y a 30 ans, les magistrats réagissaient plus lorsqu’il était porté atteinte à l’indépendance par la hiérarchie : la solidarité du corps était un facteur d’indépendance. Ce qui est nouveau c’est l’augmentation des pouvoirs administratifs des chefs de juridicition et de cours et du coup leurs conséquences sur la magistrature qui perd en garanties statutaires et en capacité de résistance solidaire.
Selon Monsieur JEAN, si on veut être indépendant, il faut être impeccable professionnellement. Il faut d’ailleurs assumer le lien entre l’indépendance et la responsabilité. Il faut augmenter le niveau d’exigence tant au niveau de la compétence attendue des magistrats qu’au niveau de leur responsabilité. On mélange trop selon lui l’indépendance et l’individualisme. L’indépendance n’est pas du tout incompatible avec une conception plus collective et moderne de l’organisation du travail.
Interrogé sur le lien entre l’évaluation des magistrats et leur indépendance, Monsieur JEAN considère que l’évaluation centralisée comporte nombre d’effets pervers et que l’évaluation doit être un croisement de plusieurs regards sur un magistrat, à partir de critères objectifs.
Pour conclure, Monsieur JEAN a insisté sur la solitude. « La pire des choses c’est la solitude. L’indépendance ne doit pas être la solitude ».
Monsieur Jean Paul JEAN s’est inquiété tout au long de l’entretien des lectures des « jeunes » magistrats. Lisent ils des livres sur la Justice, ou font ils une rupture entre leur activité professionnelle et leur vie personnelle ? De même les « jeunes » magistrats ont ils des référents, des modèles ? Et lesquels ? Les réponses sont ouvertes, nous les lui ferons parvenir !
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