Quelle corrélation y a-t-il selon vous entre les grilles de programmes des chaînes de télévision et le budget du Ministère de la Justice pour 2014 ?
Aucune, évidemment !
Pourtant, il pourrait être opportun, en ces temps de disette budgétaire, d’en créer une en instaurant une taxe spéciale sur les programmes de télévision portant sur la Justice.
Certes, le Ministère de la Justice fait figure de privilégié dans la nouvelle loi de finances car il fait partie des rares ministères dont le budget n’a pas diminué. Cependant, on l’a assez dit, le manque de moyens est criant et la Justice française est aujourd’hui exsangue. Manque de juges, de tribunaux, de fonctionnaires, de greffiers, d’éducateurs, de travailleurs sociaux. Manque de place dans les prisons, manque d’experts, manque de lits dans les foyers. Manque de financements pour les projets innovants, pour diversifier la réponse pénale, offrir une alternative sérieuse à la prison.
Et pourtant, la Justice fascine ! Allumez votre poste de télévision à n’importe quelle heure, n’importe quel jour de la semaine. Zappez. Vous vous apercevrez alors que pas moins de 50 % des programmes diffusés ont un rapport avec la Justice. Qu’il s’agisse d’un reportage, d’une fiction, d’une émission de débat, d’une reconstitution, d’une série ; ces programmes nous ramènent à l’acte de juger, à l’exercice de jonglerie entre sécurité et liberté, aux dangers que représentent le délit ou le crime pour notre société traumatisée. Flic au grand coeur ou juge corrompu font frissonner et journalistes s’érigent en historiens judiciaires. Et je n’évoque volontairement que la télévision, car il me semble être le média plus accessible à l’opinion publique et donc le plus représentatif. Le plus rémunérateur aussi, en termes de recettes publicitaires.
Le décalage existant entre l’intérêt que suscite la Justice auprès de la population et la part du budget national qui lui est attribuée est flagrant. Mettons environ 3% du budget du l’Etat et 50% du temps de récréation télévisuelle des français. Je suppose que la Justice est une valeur sûre en terme d’audience (télévisuelle), qu’elle fait recette en ce qu’elle permet de "vendre du temps de cerveau de disponible". Sinon pourquoi occuperait-elle autant de place sur nos petits écrans ?
J’ose alors le proclamer : c’est une grande injustice de créer de la richesse dans la Justice-fiction en laissant indigente la Justice-réalité !
M’accusera-t-on d’assassiner les sociétés de production, le journalisme ou la création artistique en envisageant des programmes concrets financés par un infinitésimal pourcentage des recettes publicitaires (rénovation de prisons, ouverture de centres d’accueil de jour ou de soins, rénovation de foyers pour enfants délinquants, amélioration des aménagements des tribunaux, soutien aux consultations juridiques gratuites) ? Je répondrai au contraire que je défends une certaine idée de la Justice, de la qualité du service public voire de la dignité humaine du justiciable.
Et rien n’implique que cela se fasse à sens unique. En contrepartie de ce modique prélèvement, des magistrats ou auxiliaires de justice bénévoles pourraient mettre leur science à la disposition de scénaristes, de réalisateurs, d’acteurs ou de journalistes en quête de réalisme procédural ou de cohérence légale.
L’avantage serait alors double. Non seulement les français contribueraient à améliorer leur Justice en regardant la télévision. Mais en plus, la représentation de la Justice qu’on leur offrirait serait plus proche de la réalité et alimenterait moins de fantasmes...
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