Avant le 31 décembre 2011, chaque juridiction-pilote était tenue d’organiser une session de formation pour les citoyens assesseurs. Le programme en était assez dense puisqu’il s’agissait de les initier en une matinée aux grandes lignes de l’organisation judiciaire, des modes d’enquête et du déroulé du procès pénal, de leur présenter la nature des faits qu’ils auront à juger, des rudiments de l’exécution des peines. Une visite à la maison d’arrêt était prévue pour l’après-midi.
Mais avant de nous pencher sur cette fameuse formation, revenons quelques semaines en arrière : ces jurés, qui sont-ils ?
Comme évoqué dans les dernières lignes d’un précédent billet, l’ensemble des jurés potentiels (issus de la liste des citoyens tirés au sort pour les jurys d’assises) ont été destinataires d’un questionnaire auquel ils devaient répondre dans un certain délai, avant tirage au sort. Les questions y étaient simples et sans aucun rapport avec le droit bien entendu : il s’agissait par exemple d’indiquer si l’on avait déjà siégé en cour d’assises, si des raisons médicales les empêchaient de siéger, etc.. Peu d’entre eux ont tenté de se soustraire à leur devoir en évoquant des raisons fallacieuses, ce qui est de bon augure. A réception, le greffe du tribunal correctionnel demandait des extraits de casier judiciaire et les commissariats de police et les brigades de gendarmerie soumettaient l’identité des personnes à leurs fichiers. Un important travail mobilisant de nombreux fonctionnaires pendant plusieurs semaines !
Ces données collectées, et certains citoyens étant d’ores et déjà écartés faute d’avoir rendu le questionnaire à temps ou en raison de précédentes condamnations, le comité de pilotage du tribunal a procédé à un tirage au sort et ont ainsi été sélectionnés 40 jurés. Le hasard a bien fait les choses, puisque nous constatons une certaine parité homme-femme et une répartition relativement homogène sur le département.
A partir de cette liste de noms, le président du tribunal et la directrice de greffe ont établi une sorte d’ “ordonnance de roulement”, visant à répartir tous les jurés sur l’ensemble des audiences dédiées aux formations citoyennes. Chaque citoyen assesseur sera donc destinataire d’un tableau lui indiquant les dates auxquelles il devra se présenter au Tribunal. L’avenir nous dira s’ils se montreront diligents car aucun message de rappel ne sera fait !
Les convocations pour la formation ont ensuite été lancées, et nous voici au vendredi 16 décembre 2011, jour de celle-ci, animée par trois magistrats _dont je faisais partie_ et un avocat. Pour cela, la Chancellerie a adressé aux formateurs une clé USB sur laquelle se trouvaient plusieurs vidéos pouvant servir de support à la présentation.
En amont, nous avions bien entendu réfléchi à la façon dont nous allions procéder à cette formation, afin de la rendre la plus claire possible tout en respectant les préconisations du décret. En effet, le programme est important en terme quantitatif mais aussi très technique : ainsi, comment expliquer de manière compréhensible à une personne qui ne connaît rien au droit, les différents modes de saisine du Tribunal ? Et pourtant, il est difficile d’en faire l’économie, les jurés devant se préparer à juger des personnes libres comme des prévenus sortant de garde à vue ou de maison d’arrêt.
Après un début chaotique, certains jurés ne s’étant pas présentés pour raisons médicales ou du fait des intempéries (une ferme inondée !) ce qui obligea le Président à établir un nouveau roulement au vu de l’impossibilité de siéger sans avoir reçu la formation, la matinée a démarré.
Face à un public novice mais attentif, et après nous être présentés, nous nous sommes efforcés d’être accessibles, concis et pédagogiques, en nous appuyant sur certaines des vidéos transmises par la Chancellerie.
Ainsi, les citoyens assesseurs auront à juger les atteintes aux personnes pour lesquelles la peine encourue est supérieure à 5 ans, ainsi que les atteintes aux biens avec une circonstance aggravante de violence, et les destructions par moyens dangereux. Nous avons tenté d’illustrer ces infractions, en distinguant le vol simple du vol avec violence par exemple. Le cas des agressions sexuelles a marqué notre auditoire, soudain conscient que les faits qu’ils auront à juger seront parfois complexes et d’une gravité certaine !
Le temps de pause au milieu de la matinée a permis aux citoyens de nous faire part, dans un cadre moins formel, de leurs inquiétudes face à cette responsabilité. Ce fut l’occasion de les rassurer mais aussi de prendre la mesure de ce qu’ils avaient retenu de cette première partie... Dans un premier temps, j’ai constaté qu’il était apparemment inconcevable que l’on puisse l’on puisse être à la fois jeune et magistrat : en effet, je ne compte pas le nombre de questions que l’on m’a posées sur mes fonctions de "greffière" alors que je m’étais présentée comme magistrat dès le début de mon intervention. Si cela paraît anodin, je me suis tout de même quelque peu interrogée sur ce que ces personnes avaient entendu et compris de nos propos de la matinée.
A nouveau, seul l’avenir nous le dira, et cela va arriver très vite puisque les premières audiences de comparution immédiate en formation citoyennes sont fixées dès la rentrée de janvier. Cela dit, tout dépendra de l’actualité judiciaire locale... En effet, qui dit “petite ville” dit “pas de comparution immédiate tous les jours”, et encore faut-il que les faits poursuivis entrent dans la catégorie de ceux jugés en formation citoyenne !
Rendez-vous donc au prochain épisode : l’audience correctionnelle citoyenne.
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