En apparence, les choses sont simples. La loi votée par le Parlement, qui réprime un délit, prévoit la peine d’emprisonnement maximale qui peut être prononcée par un tribunal : six mois pour des menaces, trois ans pour un vol simple, cinq ans pour des agressions sexuelles, sept ans pour proxénétisme, et dix ans pour la destruction par un moyen dangereux, une substance explosive ou un incendie (ces peines pouvant être aggravées dans certaines circonstances). Au delà , l’infraction est un crime qui sera jugée par une cour d’assises.
Le tribunal, qui juge un prévenu pour des faits donnés, est donc amené à déterminer la culpabilité et la peine qu’exécutera le condamné, compte tenu du maximum prévu par la loi. Or, le chemin de la peine ne s’arrête pas là .
Les crédits de réduction de peine
Un condamné qui est incarcéré va faire l’objet d’un écrou dans un établissement pénitentiaire, et à cette occasion, vont lui être notifiés des crédits de réduction de peine. Prévus par la loi, ils peuvent diminuer la peine effectivement exécutée, à raison de trois mois d’emprisonnement pour la première année à exécuter, deux mois pour chaque année suivante, puis sept jours pour un mois à exécuter. Ce barème est un peu moins favorable lorsque la personne est en état de récidive.
Ainsi, pour prendre un exemple concret, un condamné qui est écroué le 01 janvier 2012 pour exécuter 18 mois d’emprisonnement, va apprendre lors de son incarcération que sa peine pourrait en réalité être ramenée à 13 mois et 18 jours, et qu’il devrait être libéré le 19 février 2013.
Le sens de ce procédé est en fait d’inciter le condamné à respecter le règlement de l’établissement pénitentiaire : règle de circulation dans l’établissement, relation avec les autres détenus et les agents pénitentiaires, respect des produits qui peuvent être régulièrement introduits dans la prison, etc.. Chaque fois qu’un incident sera constaté, le juge de l’application des peines pourra réduire les crédits de réduction de peine accordés, en prononçant leur retrait. Ainsi, ce n’est que si le condamné adopte un bon comportement qu’il sortira aussi tôt, à défaut de quoi, il pourra exécuter sa peine jusqu’au maximum prononcé par le tribunal, soit la totalité des dix-huit mois. Ainsi, ce procédé vise à assurer une certaine sérénité dans l’établissement, où il ne faut pas oublier que les agents pénitentiaires sont bien moins nombreux que les détenus
Les réductions supplémentaires de peine
Outre les crédits de réduction de peine, une personne écrouée peut également se voir accordées, aux termes de la loi, des réductions supplémentaires de peine, s’il justifie d’efforts sérieux d’insertion et de réinsertion en détention : ainsi, le détenu peut se voir proposer certaines activités propres à la vie de l’établissement, de nature professionnelle, sportive, médicale, etc.. L’examen des réductions supplémentaires de peine a lieu au moins une fois par an, et selon le même barème que pour le crédit de réduction de peine, si ce n’est que cette fois est prise en compte la peine réellement accomplie. Le but cette fois n’est pas seulement d’assurer la passivité du détenu et l’absence d’incident, mais de l’inciter à engager des démarches de réinsertion. Ainsi, en fonction des efforts fournis pour sa réinsertion ou pour la réparation du préjudice de la victime, la réduction pourra là encore atteindre trois mois pour un an, et sept jours pour un mois.
En fonction de l’exemple déjà évoqué, lors du premier examen, le condamné, pour les douze premiers mois de détention, compte tenu de son inscription à l’atelier cuisine, au sport et à l’indemnisation de la victime par exemple, se verra attribuer les trois mois prévus par la loi. Cela signifie que sa fin de peine sera ramenée au 19 novembre 2012.
Il doit être précisé que pour ces réductions supplémentaires de peine, le condamné est très dépendant des activités que propose l’administration pénitentiaire (laquelle doit fonctionner avec des moyens très limités). Par conséquent, le juge de l’application des peines se montrera relativement favorable au condamné, pour ne pas lui faire pâtir des difficultés budgétaires des établissements, dès lors que le détenu aura fait preuve de bonne volonté, évidemment
La libération conditionnelle
Aux réductions de peine déjà abordées, il faut encore envisager la question de l’aménagement de peine par libération conditionnelle. Le principe est de ne pas laisser le condamné sans contrôle à sa sortie de détention, mais de l’encadrer une fois sorti, afin d’encourager sa réinsertion et d’éviter toute récidive. Ainsi, une sortie anticipée peut être accordée au détenu, mais si les obligations qui lui sont assignées ne sont pas respectées, le reste de la peine pourra être remis à exécution, et le condamné à nouveau incarcéré. La durée de ce suivi est au moins égale au temps de détention qui restait à subir, et peut encore être prolongée d’un an. Outre les conditions légales lié au projet de réinsertion, le but ici est d’envisager la question du temps d’épreuve, c’est-à -dire la durée de détention minimale prévue par la loi avant qu’un condamné puisse bénéficier de cette mesure.
La loi est assez complexe : le condamné doit avoir exécuté la moitié de sa peine avant qu’une libération conditionnelle ne lui soit accordée, (et même les deux tiers s’il a été condamné en récidive). Or, la peine prise en compte n’est pas la peine prononcée, mais la peine restant à subir :
dans l’exemple évoqué depuis le début, si le détenu a été condamné à 18 mois d’emprisonnement, il ne devra pas avoir exécuté 09 mois, mais 06 mois et 24 jours compte tenu des crédits de réduction de peine, et même 05 mois et 09 jours si les réductions supplémentaires de peine ont déjà été accordées Cela signifie donc que la personne condamnée à 18 mois d’emprisonnement, une peine relativement lourde, pourrait dans les faits ressortir après avoir exécuté seulement 05 mois et 09 jours, soit moins du tiers de la peine prononcée
Alors il faut être clair : il ne s’agit pas d’une sortie de détention où l’intéressé est livré à lui même, puisque contrairement à la fin de peine, cela implique qu’il continue à rendre des comptes aux services judiciaires et pénitentiaires. Néanmoins, si le principe est justifié, on peut légitimement entendre que les citoyens soient choqués par cette situation.
Qui plus est, le calcul est relativement complexe, puisque chaque événement intervenant sur la peine modifie la date à laquelle l’intéressé peut bénéficier de la libération conditionnelle : qu’il bénéficie d’une réduction supplémentaire de trois mois, et il pourra être placé en libération conditionnelle un mois et demi plus tôt ; qu’il soit sanctionné pour un incident en détention et se voit retirer 01 mois de crédits de réduction de peine, et la mesure ne pourra lui être accordé que 15 jours plus tard. Et encore n’évoque-t-on pas ici le cas d’un détenu exécutant plusieurs peines, dont certaines en récidive. La loi est aujourd’hui particulièrement complexe et devrait sans doute être simplifiée, et dans une certaine mesure plus restrictive afin que les peines retrouvent un sens.
Pour une révision des délais de réduction de peine
A juste titre, les citoyens, en particulier lorsqu’ils sont tirés au sort pour devenir juré et composer les jurys des cours d’assises, s’interrogent sur les peines prononcées, et leur réalité. Selon l’exemple précité, pour un détenu, certes modèle, qui devait exécuter 18 mois d’emprisonnement, peine prononcée par le tribunal, la libération en fin de peine pourra intervenir moins d’un an après, en l’espèce 11 mois et 19 jours. Et il pourra même bénéficier d’une libération conditionnelle après 05 mois et 09 jours.
En matière criminelle, ces délais peuvent apparaître encore plus marquants : une personne condamnée pour viol aggravé à 10 ans de réclusion criminelle, bénéficiera de 21 mois de crédits de réduction de peine, puis chaque année, de trois mois de réduction supplémentaire de peine, soit jusqu’à 20 mois et 03 jours, ce qui signifie que les 10 ans d’emprisonnement prononcés seront effectivement exécutés en 06 ans 06 mois et 27 jours. Et encore pourra-t-il bénéficier d’une libération conditionnelle dès la troisième année de détention
C’est cette situation qui a pu, à l’occasion de faits divers dramatiques, conduire certains responsables politiques à vouloir rechercher le juge coupable de cette situation. Or, il y a lieu de préciser qu’avant d’être les décisions des juges de l’application des peines, ce sont des lois qui s’appliquent, votées par le Parlement, et souvent proposées par le Gouvernement : institué en 1972, c’est la loi dite Perben II du 09 mars 2004 qui a mis en place le système actuel de réductions de peine dans toute son étendue.
Le principe est excellent et il convient de le préserver : les crédits de réduction de peine permettent d’inciter le condamné à garder un bon comportement en détention, de le sanctionner le cas échéant, les réductions supplémentaires de peine doivent le conduire à produire des efforts supplémentaires de réinsertion, et la libération conditionnelle doit garantir que l’intéressé sera accompagné dans sa réinsertion au lieu d’être livré à lui même.
Si le système conçu est efficace, il y a sans doute lieu de revoir son fonctionnement, et en particulier le calcul des délais. En effet, d’une part les citoyens ne comprennent pas qu’une personne condamnée puisse terminer sa peine aussi tôt, compte tenu du jugement qui avait été prononcé, et d’autre part, cela conduit, tant le Parlement -parfois schizophrène-, que les juridictions, à prévoir des peines de plus en plus lourdes. La révision du barème de réductions de peine, permettrait de préserver ce système, efficace, tout en le rendant plus compréhensible et acceptable pour les citoyens.
De la même manière, prévoir que la libération conditionnelle pourra être envisagée dans un temps d’épreuve fixé en fonction de la durée de la peine prononcée, au lieu de la peine exécutée, permettrait de retrouver le sens de la peine : le condamné à 18 mois ne serait plus libérable en conditionnelle après exécuté seulement 5 mois, mais après en avoir exécuté 9 ; le condamné à 10 ans d’emprisonnement ne serait plus libérable en conditionnelle après moins de 4 ans, mais après au moins 5 ans. Certes, en ces périodes de surpopulation carcérale, le temps d’emprisonnement serait rallongé, mais en parallèle, les peines prononcées par les juridictions, tribunaux et cours d’assises, ne seraient plus artificiellement rallongées sous la pression publique (sociale et politique).
Conclusion
La Justice doit avoir le souci de favoriser la réintégration dans la société de tous les condamnés, et en particulier celle des personnes détenues. Cependant, il doit nécessairement s’accompagner d’un renforcement du sens de la peine prononcée par le tribunal, pour que 18 mois d’emprisonnement ne se réduisent pas à moins de six mois, pour que 10 ans de réclusion criminelle ne soient pas exécutées en moins de quatre ans, et pour que la justice conserve toute son autorité, et qu’ainsi la société accepte les efforts consentis pour la réinsertion des condamnés dans la société.
NB :
Il faut toutefois bien noter que seul le meilleur des condamnés se trouve actuellement libéré aussi tôt, parce qu’il aura à la fois éviter tout incident en détention, et réaliser des efforts sérieux de réinsertion, en présentant en outre un projet de réinsertion. D’autres condamnés, moins méritant, seront amenés à exécuter une peine plus longue, puisque les crédits de réductions de peine pourront être retirés en cas d’incidents multiples, aucune réduction supplémentaire de peine accordée en l’absence d’effort, et une peine exécutée jusqu’à son terme si le projet présenté dans le cadre de la demande de libération conditionnelle n’est pas sérieux.
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LA THEORIE EN BREF |
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Les crédits de réductions de peine :
3 mois (la première année) puis 2 mois par année de détention prononcée,
et 7 jours par mois.
En cas de récidive, 2 mois (la 1e année) puis 1 mois par année de détention prononcée,
et 5 jours par mois.
Ils sont accordés de plein droit à tous les détenus, et peuvent être retirés, totalement ou partiellement, en cas d’incident pendant la détention. Les réductions supplémentaires de peine : 3 mois par année de détention exécutée, et 7 jours par mois. En cas de récidive, 2 mois par année de détention prononcée, et 4 jours par mois. Elles sont accordées par le juge de l’application des peines en fonction des efforts engagés par le condamné pendant qu’il se trouve en détention (activités d’insertion, remboursement de la victime, etc.). La libération conditionnelle : Elle est accordée par le juge de l’application des peines, quand le condamné a effectué plus de la moitié de la peine qui reste à exécuter (ou les deux tiers s’il est récidiviste), en fonction d’un projet de réinsertion. |
LA PRATIQUE EN BREF |
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Soit une peine de 18 mois à exécuter : Crédits de réduction de peine : il exécute 1 an + 6 mois, il bénéficie donc de 3 mois + 42 jours. En l’absence d’incident, il pourra donc sortir après avoir exécuté 13 mois et 18 jours. Réductions supplémentaires de peine : au bout d’un an passé en détention, on pourra lui accorder 3 mois de réduction supplémentaire de peine. Cela signifie que l’examen des réductions de peine sera fait avant qu’un an soit écoulé, car il pourra finir sa peine en ayant exécuté 10 mois et 18 jours. Libération conditionnelle : il faut être à la moitié de la peine réelle, soit la moitié de 10 mois et 18 jours. Le condamné pourrait donc être libéré et placé en libération conditionnelle après avoir exécuté 5 mois et 9 jours. Soit une peine de 10 ans à exécuter : Crédits de réduction de peine : il exécute la première année, puis 9 ans, il bénéficie donc de 3 mois + 9 x 2 mois, soit 21 mois. En l’absence d’incident, il pourra donc sortir après avoir exécuté 8 ans et 3 mois. Réductions supplémentaires de peine : après un an, il va bénéficier de 3 mois, soit une peine réelle de 8 ans, dont 7 ans restent à exécuter ; après la deuxième année, il va bénéficier de 3 mois, soit une peine réelle de 7 ans et 9 mois, dont 6 ans restent à exécuter ; après la troisième année, il va bénéficier de 3 mois, soit une peines réelle de 7 ans et 6 mois, dont 5 ans restent à exécuter. Libération conditionnelle : il faut être à la moitié de la peine réelle, soit, après 3 ans en détention, la moitié de 7 ans et 6 mois. Le détenu pourra donc demander la libération conditionnelle après avoir exécuté 3 ans et 9 mois (et sera suivi pour au moins 3 ans et 9 mois). |
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